BORDEL

Artwork: Fred Lucas

Session Live à la Grange Vadrouille, le premier titre: Tombé! 30/01/24

« On cherche! »

Nous sommes en 2019, et venons de sortir l’album Nerzh, fruit de notre collaboration avec le Bagad Kemper. Un disque mais surtout un spectacle créé au Festival Interceltique de Lorient en aout 2019. Nous le jouons pour les 70 ans du Bagad Kemper, puis avons un agenda qui s’annonce bien rempli pour 2020, avec en point d’orgue une date à l’Aréna de Nanterre pour une nuit de la Bretagne exceptionnelle.

Comme à notre habitude, en sortant d’une période de travail intense de création, enregistrement, répétitions et concerts, on ressent toujours l’envie de se projeter sur les années à venir, en particulier dans le cas présent sur 2021. Je me retrouve dans ma pièce de musique à chercher des idées, mélodies, bout de Riff, de gimmicks, à taper sur mon plancher et enregistrer avec mon téléphone portable. Ensuite je glisse les fichiers sur un logiciel, je fais des boucles, et je jam tout seul, banjo, guitare, mandoline, flûte,  bombarde…

Je trouve un fil rouge avec les motifs rythmiques des pas de différentes danses, ou en tout cas, je me fie à ce que mes oreilles perçoivent en visionnant un paquet de vidéos de Festou-Noz, de cours de danses bretonnes et de concours en tous genres. Je me colle à la gamme pentatonique du blues pour reproduire les mélodies inspirées d’airs traditionnels. Faire le boeuf tout seul dans sa pièce, ça fait du bien.

J’utilise pas mal de synthés et de programmation au départ, pour faire une loop c’est plus simple. Je maquette un Fisel, un plinn, une gavotte, un rond de landéda, un an dro… J’ai quelques vieilles maquettes qui trainent, parfois certaines, depuis le début du groupe. J’essaie donc de malaxer un peu tout ça. Je suis assez prolifique et me retrouve en fin d’année avec pas mal de bouts de morceaux, quelques brouillons de textes.

J’envoie aux copains, et leur demande ce qu’ils en pensent. Comment pourrions nous procéder pour ébaucher un semblant d’album. Le plus simple est de se retrouver en répétition, pour essayer, chercher ensemble une direction musicale. En février 2020 on se réunit à An Dour Meur à Plestin Les Grèves avec Hibu et Fred, Pierre est en tournée à ce moment là avec Thomas Fersen et Charlélie Couture. On travaille 3 titres et enregistrons quelques trucs.

Photo: Vonnic Bulteau

« On ferme! »

15 jours plus tard c’est le confinement, l’Aréna est annulée, ainsi que toutes les dates prévues en 2020. C’est le début de cette longue période de dingue! Nous essayons tant bien que mal de trouver encore l’énergie pour continuer à préparer les nouveaux titres, mais ce n’est pas simple.

Les périodes de farniente alternent avec d’autres plus studieuses. Nous sommes tous impatients dans l’attente d’une issue…

« On Clip! »

Elle se profile à l’automne 2020 où nous vient cette idée de suivre le mouvement des concerts acoustiques en salle assise avec distanciation en enregistrant un album acoustique live en studio. Climatik sort en version uniquement numérique en mars 2021. Cela nous fait du bien, on se revoit, on se parle, c’est le plus important.

Par contre c’est toujours le black-out, pas ou très peu de concerts, les tests obligatoires etc… On finit l’année à Nantes aux Rockeurs ont du coeur, ça nous fait du bien. Ensuite toujours rien jusqu’au printemps 2022 où enfin cela s’ouvre vraiment.

Entre temps, nous avons échangé des idées par mail, partagé des fichiers son, bricolé un peu. Au courant de l’été me vient l’idée sur les conseils de notre tourneur Marc de tourner un clip video. Cela fera de l’actualité et nous permettra de relancer l’activité du groupe de manière normale. On enregistre un titre, Alors, chacun chez soi, et je confie la réalisation et le mixage à léopold.

On se retrouve pour le tournage avec les copains Louis, Thélo, Kentin, Yann et Alexandre pour trois jours bien sympas. Le clip et le single sortent en novembre.

Clip réalisé par Thélo Mell assisté de Kentin Juillard, Lumières Alexandre Quiniou, images aériennes de Yann herlé Gourves avec Louis Le Bihan.

« On bouge! »

Fin 2022 on se dit qu’il est temps de penser à l’album, on a pas mal de matière. Nous décidons de réunir tous les bouts de morceaux, d’en faire des chansons. Avec Fred, en mars 2023, On cale mélodies, couplets, refrains. En avril une deuxième session a lieu. Tous les deux nous mettons en forme quatorze nouveaux titres.

Les emplois du temps de Pierre et Hibu sont très chargés (tournées Fersen, Couture et Alexis HK), mais avons une fenêtre pour répéter avec Hibu en mai. On fait tourner tous les titres à trois et enregistrons afin de commencer à dessiner la production. Une fois rentré chez soi, chacun travaille sur les fichiers et fait avancer le projet.

On auto-produit totalement le disque et voulons garder l’histoire au coeur du groupe pour justement éviter toute ambiguïté inhérente à une telle aventure. Ce n’est jamais facile de prendre du recul sur un travail d’enregistrement, de production et le mixage. On décide donc de maitriser l’ensemble de la chaine en confiant les édits à Hibu et Fred et le mixage à Bertrand en étroite collaboration avec ces deux derniers.

Enfin en juin on peut commencer à planifier le bazar, enregistrement en juillet de basse batterie au studio Bad plafond à saint Sulpice des Landes chez Bertrand,,puis enregistrement « à la maison » du reste, Guitares, Cordes, voix, programmations, claviers etc…

Les guitares acoustiques sont enregistrées chez Pierre, qui lui même réalise tous les enregistrements cordes, guitares électriques, mandolines, banjos, pedal steel etc..

J’enregistre de mon coté toutes les voix à la maison, en essayant de garder un coté « scène » aux prises. Le fait de le faire en toute autonomie me permet de prendre beaucoup de temps pour chercher et trouver un bon compromis.

Cela nous permet de pouvoir ramener la matière jusqu’au mixage, où nous avons pu parfois changer et améliorer à notre goût certaines parties de morceaux.  La partie de guitare électrique sur Je rêve ou les choeurs du Doute

Bertrand a pris en charge le mixage accompagné de Fred et de Hibu, puis les 4 derniers jours nous avons finalisé tous les 5

Chez Bertrand au Studio Bad Plafond à Saint Sulpice des Landes

« On doute! »

De mon coté je l’avoue, je n’ai plus aucune certitudes sur le comment élaborer un projet du début à la fin, mes différentes expériences tout au long de mon parcours, les compétences que j’ai eu la chance de pouvoir approcher avec tant de super ingénieurs du son, m’ont toujours laissées un peu dans la brume.

Pas simple de se retrouver critique de son propre travail, on peut tout autant s’en satisfaire de manière sincère que de sentir être passé à coté de quelques chose, avoir perdu en route la fraicheur des premières maquettes, s’être un peu trop reposé sur les non-dits, les compromis, s’être un peu assoupi pour cause de fatigue ou de lassitude, ou simplement d’un manque de compétences techniques pour joindre les actes la parole. La vie d’un groupe quoi.

Là on se retrouve à partager sur l’instant chaque étape du processus. On s’échange des impressions mais en ayant toujours la volonté sincère d’avoir été au plus loin de nos possibilités.

Petite vidéo tournée sur la plage des Sables Blancs à Locquirec.

« On fait! »

C’est donc une continuité de ce que l’on vit à chacun de nos concerts. En effet, cela fait maintenant 6 ans que le groupe est figé avec les mêmes musiciens. Nous prenons conscience à chaque concert de la progression en une vraie nouvelle entité. Ce paramètre nous amène à penser cet album comme le premier de Cardell. C’est assez étrange peut être mais en même temps c’est assez évident.

Il y’a donc encore beaucoup d’inconnues dans la manière dont nous percevons le sens que l’on doit lui donner, à qui l’on s’adresse exactement et la vraie manière de le partager.

Même si nous l’avons pensé « Oeuvre », l’album est constitué de chansons, chacune raconte une histoire différente. Certaines collent totalement à la genèse du projet avec des thèmes trads et d’autres nous ont amené ailleurs.

La seule différence avec un premier album est que nous n’avons joué aucun morceau en live avant. Excepté  le Plinn. Il y a donc une certaine distance entre le potentiel live du groupe et l’attente sur cette production.

Pour tous les titres, pas de soucis, c’est simple, on s’y retrouve en jouant uniquement des choses que l’on maitrise: du rock, de la chanson, un Plinn, une Gavotte, un pilé menu etc… Nous cherchons à garder ce lien évident avec notre terrain de jeu, la musique en Bretagne, le lien avec la terre, l’océan, la danse.

Depuis deux ans nous avons la chance de donner quelques concerts avec l’accordéoniste Fred Guichen, un des fondateurs du groupe Ar Re Yaouank, avec qui nous avons si souvent partagé la scène, il y a plus de 20 ans. Nous l’avons invité sur deux titres. Hibu a également souhaité une couleur cuivre sur deux de nos morceaux, il a convié son ami Franck Bougier. Merci à eux d’avoir accepté de nous épauler.

Je m’inscris dans le processus à travers des textes souvent autobiographiques en lien avec les films, livres, tableaux, faits d’actualité rythmant la valse de mes émotions. J’y rajoute quelques anecdotes contant des histoires vraies, c’est assez nouveau pour moi, et en même temps cela rejoint mes interrogations sur les mythes et légendes entretenues dans tout notre imaginaire, qui comme me le disait un vieil ami, ont toujours une part de vérité, de réalité sociale.

Il me semble que l’instant se suspend, Acrobate du silence sur le fil du temps, Où les yeux vont se perdre juste ailleurs

« On résume! »

Donc voila enregistrer et produire un nouvel album c’est un beau Bordel! Nous avons d’ailleurs choisi de l’appeler ainsi. En 2005 nous avions été programmé au festival du chant de marin à Paimpol, j’avais à l’époque scandé le slogan: « C’est Red Cardell Bordel », il fut repris dans un livre sur le festival dont Jean Michel et moi faisons la couverture. Depuis quelques concerts ça m’est revenu. Ne me demandez pas pourquoi, mais après quatre ans de beau bordel, cela s’est fait naturellement…

On est tous un peu bousculé sur nos certitudes, j’ai rêvé ado de jouer du rock, je croyais que c’était une bonne manière de résister. A quoi? Ça je ne l’ai jamais vraiment su ou compris. On a commencé le groupe sur la fin du mouvement rock alterno, sans en faire vraiment partie. Nous avons surfé sur la vague bretonne des années 90 sans trop savoir nager, raisonné en collectif de musiciens avec toutes nos collaborations au mitan des années 2000, puis là on recentre de nouveau vers un projet de groupe. Alors bonne écoute de cet album et merci de partager ce moment avec nous, c’est le but!

C’est Red Cardell! Bordel!

Le Festival du Chant de Marin - Luc Rodaro - Editions Planète Rêvée