Après ces deux années passées à attendre que l’on puisse enfin remettre le son, nous avons pu reprendre notre métier de musicien. Les festivals de printemps et d’été ont eu pour nous la saveur du retour à la normale, une sorte de potion revigorante, du style : « je me pince « moi » pour y croire ».
Deux années naviguant entre espoir et découragement, la seule alternative offerte était de composer et écrire de nouvelles chansons à la maison. Nous avons essayé d’emprunter de nouvelles directions, nous avions le temps pour le faire. De mon coté, j’ai battu le parquet de ma pièce de musique pour y chercher des vibrations sourdes me rappelant le son des pas de danses, écorché ma guitare en souvenir du blues du Mississipi et des vieux enregistrements de la famille Lomax où des productions de Muddy Waters, Elmore James, Lonnie Johnson ou Johnny Winter.
Nous sommes toujours consciemment ou pas inspirés par d’autres, il y a une sorte de point de rencontre au milieu ou sur les cotés. On existe à partir d’une certaine satisfaction, ce plaisir simple de parvenir à se surprendre, et parfois trouver un bout d’explication, une justification de s’être aventuré sur la bonne route. On s’accorde sur les références, l’histoire que l’on raconte à partir d’objets ou de sentiments.
L’objet pour un musicien, c’est le disque, un vinyle un Cd, ils tentent à disparaître. Tout un modèle se fond dans le grand cirque des nouvelles technologies. Est ce le progrès? Oui si l’on s’en tient à la possibilité offerte de s’ouvrir à la grande sono du monde, écouter tous les disques qui sont sortis, bercent, et ont bercé notre parcours de mélomanes. Non si l’on se fie à son expérience d’artisan de la musique, toujours en quête d’un public plus nombreux en empruntant des chemins buissonniers. Il n’est pas simple de devoir s’adapter, se familiariser avec les réseaux, les moyens de communications d’aujourd’hui.
Alors ! Alors! Un clip!
Nous avons en trente ans sorti uniquement quatre clips vidéos. A l’époque le clip était surtout diffusé sur les chaines du câble et M6, puis, avec la multiplication des réseaux de diffusion, il a un peu disparu des antennes pour retrouver avec internet une nouvelle place dans le pack promotionnel d’un artiste qui sort son nouvel album. Pour des musiciens comme nous, l’album était surtout le meilleur outil de promo à notre disposition. Il nous permettait en s’appuyant sur les « fidèles » du groupe de vendre suffisamment pour amortir l’investissement en studio d’enregistrement et mixage que cela demandait. Nous pouvions créer de nouveaux projets comme Le banquet de cristal et tous ces invités, Soleil Blanc et la tournée avec la section de cuivres, ou encore la collaboration avec le Bagad Kemper. Entre 2002 et 2019 nous avons sorti 15 albums qui nous ont permis d’avancer et d’exister dans notre petite « niche ».
Aujourd’hui après ces deux années d’arrêt on se pose la question du support, et nous avons envie d’essayer celui du clip et du single. Un peu comme le 45 tours d’antan ou le « Scopitone »!
Juste chercher à comprendre, expérimenter. On verra si cela donne du sens à notre démarche et, si oui, nous essaierons de construire au fil des mois ce qui sera à la finalité un album.
Le smartphone, l’enceinte portable en bluetooth remplacent petit à petit les chaines Hifi d’antan, si le vinyle résiste encore, cela reste très confidentiel et concerne surtout la recherche de qualité physique du son.
L’offre est si dense qu’elle ouvre de nouvelles possibilités, on va essayer de s’immiscer dans ce grand bazar!
La chanson du clip s’appelle Alors, elle est née lors du confinement. J’ai trouvé le thème mélodique dans le salon dans ces moments de désoeuvrement où tu regardes ta guitare posée contre le mur d’un air dubitatif. J’ai nerveusement gratté quelques accords et chanté un bout de ce qui ressemble à un assemblage de notes en harmonie. J’ai laissé macéré quelques mois, puis ai redécouvert le son sur mon Dictaphone. J’ai donc préparé une maquette sur mon logiciel, écrit un texte sur une mélodie de voix, puis laisser de nouveau murir. En novembre dernier j’écoutais ça dans ma pièce, quand mon fils Léopold passe devant, écoute et me dis: « fais un Sol là! ».
Il me dit: « si tu veux on peut enregistrer ça cette semaine, on va essayer de faire un beau « tapis » de guitares acoustiques », cela consiste à empiler plusieurs guitares avec des capodastres à différentes cases et ainsi trouver un mouvement riche en harmonies. J’ai chanté, Léopold a commencé à produire, triturer tout ça, rajouter des chœurs, puis nous avons envoyé le fichier à Pierre, Hibu et Fred. Ils ont enregistré les parties, puis tout a été mixé.
Entre temps, j’ai participé au projet Chanson avec Très Tôt Théâtre et donc rencontré Kentin Juillard, batteur et percussionniste qui me confie faire des clips avec Thélo Mell membre du Bagad Kemper avec qui nous jouons régulièrement. Notre tourneur Marc Ribette m’encourage à faire un clip depuis de nombreux mois, la boucle est bouclée. Il y a un single et une équipe de tournage.
Je me mets donc à essayer d’écrire un pitch, un scénario. Une personne quitte son travail, son confort dans un cadre urbain pour partir vers l’ouest et la mer (comme un air d’actualité).
Je confie le rôle à mon ami Louis, chanteur de mon groupe d’enfance, Les Joyeux Fusibles, avec qui nous jouons régulièrement. Nous avons déjà sorti trois albums, et préparons activement le quatrième en ce moment. Louis est l’auteur d’I just need a sweet girl sur l’album Douleur en1996, et d’Origine sur Un monde tout à l’envers en 2016.
Nous avons tourné à Lesconil, Audierne, Quimper et au Phare du Millet, ce fut une très belle expérience, Thélo Mell a réalisé le clip assisté de Kentin.
Maintenant on va chercher à le donner à voir, on se retrouvera donc ici pour faire le bilan dans quelques semaines!
La musique, quelle drôle de mot, on cherche à travers elle aussi de nombreuses réponses à des questions plus intimes, à ce propos, je souhaiterais vous présenter en conclusion un roman écrit par François Roy, avec qui je travaille depuis plus de vingt ans car j’utilise sur scène des guitares Yamaha. Voici ma chronique d’un livre que je vous conseille très fortement. En particulier aux fans de Ten CC, de Rory Gallagher et de Little Bob avec qui j’ai eu le grand bonheur de jammer au Plan à Ris Orangis en mars dernier.
A très bientôt
« Le rigodon d’honneur » une histoire de Tambours, de baguettes qui dansent, de résonance, faire vibrer le grand pont qui traverse la vie et soudain!
Le personnage principal, Fernand, un jeune inspecteur des impôts dont la vie est réglée au millimètre entre une mère possessive, un père musicien disparu depuis ses huit ans, et une 205 Peugeot doit mener un contrôle fiscal chez une star du Show Business, Bernie Johnson.
C’est pour lui, le début d’un apprentissage, comme une sorte de rédemption, une histoire qui débute dans les années 80, rythmée par la bande son d’une époque. Tout semble se bousculer dans la vie de Fernand, tout devient possible grâce à l‘amour de la musique et aussi de Julie, la gouvernante de Bernie Johnson.
Initié au fil de ses rencontres à l’écoute des albums cultes de Bowie, Ten CC, Steve Hillage et de tant d’autres, Fernand va se révéler à lui même, prendre une route qui va le mener à la découverte du show business mais dans sa version bienveillante, comme elle existe aussi, loin de certains clichés, centrée sur ceux qui la font, disquaires, musiciens, techniciens, managers…
Le roman nous dresse les portraits de personnages connus et inconnus que l’auteur a pu croiser dans sa déjà longue carrière au service de la musique. La fiction dévoile une sensibilité curieuse, cette envie de prolonger ce qu’il reste d’une enfance enfouie en chacun d’entre nous: la beauté d’une pochette de Vinyle, d’une collection de voitures miniatures ou d’anciennes montres LIP, le chrome d’une batterie rutilante comme la Lamborghini Miura orange de Christophe dans les rues de Juvisy…
On se laisse emporter du concert de Rory Gallagher au Plan à Ris Orangis jusqu’au Havre de Little Bob en passant par la Bretagne, Red Cardell et les Frères Morvan à la fête de la gare de Callac, puis on se pose sur un banc au soleil d’Ischia et on regarde devant.
François Roy - Le Rigodon d’honneur -