CHANSON

Chanson au singulier, comme une forme d’expression artistique depuis la nuit des temps. Raconter juste une histoire et épouser la musique des mots, mettre le sens et le son en harmonie, imaginer le solide, le liquide, le gazeux, le traduire en formules de chimie musicale dans un vieux laboratoire perdu au fin-fond d’un long couloir du dernier étage d’un immeuble vétuste ou au son du feu de bois qui crépite dans la cheminée d’une veillée d’un autre temps.

Une chanson est un film de cinéma sans image, son format peut être court, comme aujourd’hui quand il épouse les contraintes de temps de la diffusion radio ou alors long, très long comme lorsqu’au moyen âge l’on nous contait les légendes de Rolland, de Tristan et Yseult, d’Ar lez Vamm, la marâtre cruelle, une autre histoire de Cendrillon. Faire rire, faire peur ou pleurer, s’interroger sur le monde, l’homme!

Photographisme Katy Sannier

Pour construire une chanson, il faut donc une histoire. Elle naît de la rencontre, du dialogue d’un parcours de vie. Elle n’a pas d’âge, et se traduit avec des mots.

Elle trouve son origine dans un instant de lucidité construit par un échange, une sensation, un simple regard porté à l’autre ou au décor qui vous entoure.

Ensuite elle s’accorde, les associations de consonnes et de voyelles imposent un rythme, la ponctuation vient traduire le silence. La musique est là, toujours présente, entêtante.

Pascal Faidy- Kentin Juillard

Ce projet est né d’une proposition de Très Tôt Théâtre. J’ai eu l’occasion de travailler précédemment avec l’association sur de nombreux ateliers d’écriture de chansons.

Nous avons abouti avec différents participants de toutes générations à l’écriture de textes épousant une mélodie que j’avais préalablement composée sur le principe d’une note, une syllabe.

Ici la méthode est différente, je souhaite m’inspirer du texte et de sa propre musique pour composer.

Les ateliers sont composés de publics différents. Des élèves de classe primaires, des personnes âgées, des groupes d’adultes entourant leurs enfants. L’idée est de construire une thématique née de rencontres, de discussions, de regards, de chants et de silences. Je souhaite m’emparer de ce « matériel » pour construire une oeuvre, sorte de travail de laboratoire de mes expériences passées de musicien inscrit sur un territoire et cherchant à visiter les liens existant entre vécu et transmission. Tradere en latin signifie transmission. C’est la racine du mot tradition, la chanson est un trait d’union entre l’avant et le présent. C’est très vrai, lorsque l’on étudie les références de la nouvelle scène Rap US au Blues par exemple, et sa culture très riche de la musique traditionnelle américaine. Une sorte de lien universel que l’on retrouve en Bretagne également dans les courants musicaux qui s’expriment entre traditionnel et musiques contemporaines.

Raconter une scène de vie, une ville, un territoire, c’est faire « se raconter » aussi celles et ceux qui la composent.

Je propose donc de travailler en ateliers sur l’échange autour de ce que représente une chanson.

Que raconte t’elle? Quels sont les moments marquants d’une petite histoire de vie en lien avec une chanson? Puis l’écrire, sous forme de poésie bien sur, en prose, en vers.

Je souhaite m’en emparer pour écrire également, chercher les liens entre les mots nés de cette rencontre et les miens.

J’ai toujours une guitare avec moi pendant chaque atelier, comme pendant tout acte de création, je vais improviser sur le terrain les notes et accords que m’inspireront les différents écrits produits.

Huit mois de création ont été nécessaires à raison de trois jours par mois. Les trois premiers mois furent consacrés à la genèse de l’oeuvre. Chercher, aborder les thèmes, construire une relation bien-sûr et la traduire, en écriture et en musique.

A partir de janvier, nous avons commencé à construire la forme. Les premiers textes et premières musiques étaient figées et indiquaient un fil conducteur. Celui-ci était orienté sur un objet de son enfance qui nous raconte une histoire, que nous avons souvent en commun: une peluche qui nous fait peur, notre salle de bain transformée en salle de concert, un foulard où l’on sèche ses larmes et qui se transforme en serpillère, un costume blanc qui rêve de Boue de poussières et de taches de cambouis, une tortue qui n’en pleut plus de courir trop vite, une plume perdue au fond d’un vieux tiroir et qui rêve de retrouver son grand fleuve Amazone.

Photographisme Katy Sannier

Je me suis entouré de deux musiciens que je connaissais pour avoir déjà travaillé avec eux, Pascal Faidy aux saxophones et flutes, ainsi que Kentin Juillard aux percussions.

Pascal était un membre de l’aventure du Banquet de Cristal et de Soleil Blanc, lorsque Red Cardell jouait avec une section de cuivre, et j’ai rencontré Kentin lors d’une jam il y a déjà quelques années au Ceili à Kemper. Ils ont l’habitude de participer à des spectacles « jeune public » et se sont Investis dans le projet en apportant des idées, et de belles inventions visuelles et sonores.

Nous avons mis en place des « tableaux » en y intégrant les participants sous forme de chant choral ou solo, d’ensemble de percussions, par exemple.

Nous avons eu la joie de pouvoir jouer ce spectacle le 17 juin dernier sur la scène du théâtre de Cornouaille, et avons donc pu faire participer les 100 personnes. Ce fut un beau moment de partage, et le final que nous souhaitions tous pouvoir réaliser. A raison de 8h de travail par groupes incluants écriture, composition, scénographie etc…, sur l’année, nous nous en sommes plutôt bien sortis.

Photographisme Katy Sannier

Avec Pascal et Kentin, nous souhaitions continuer cette aventure, et avons donc décidé de faire vivre ce spectacle, nous avons la chance de pouvoir le présenter dans tout le département du Finistère cet automne,. Nous serons programmés au festival Tata, et vous trouverez les dates sur l’agenda.

Ce spectacle est le résultat d’un autre type de rencontre que les ateliers que j’ai déjà pu animer au cours de mon parcours de musicien. Il intègre un autre mode d’échange construit autour de ma propre perception d’un monde que je traduis en musique et en mot, comme un simple artisan ancré comme tant d’autres dans la baie des musiques populaires.