Nous venons de mettre en ligne un titre de notre concert à la fête du bruit le 10 août dernier.
Il se trouve que l’enregistrement du concert est plutôt réussi, et nous a donné l’envie de le partager. Nous avons en projet de sortir courant 2025 tous les titres interprétés ce jour là.
Nous avons choisi The Bottle is empty, un titre paru sur l’album Douleur en 1996.
A l’origine Red Cardell est né de la dissolution de Penfleps en 1992.
Le premier album « Rouge » était uniquement composé de titres de ce répertoire mis à part Cirrhose et Cardell’s Blues. Pour Douleur, il nous restait encore pas mal de morceaux que nous jouions déjà sur scène, comme An Dro, polka piquée, mais aussi The bottle is empty.
A l’époque, les textes sont en anglais.
Images : ©NLC PROD – Festival Fête du bruit dans Landerneau / Mixage : Nicolas Rouvière
Je suis un enfant des années 70, né à la musique bretonne à travers Stivell et son live à l’Olympia bien sur, mais aussi par un mouvement culturel plus large qui intègre des idées nées des grandes transformations sociétales d’après guerre dans le monde. En particulier les mouvements pacifistes en lien avec la guerre froide et la décolonisation, ceux de la beat generation qui feront naître une vague folk portée par les mouvements hippies et contestataires de la fin des années 60. Nous sommes déjà dans une époque qui sensibilise sur les droits des femmes et des minorités, les conflits au Moyen orient, en Afrique, Amérique du Sud ou le Viet-Nam sont à la une de l’actualité internationale. Ici c’est le choc pétrolier, les vagues de licenciement, les mouvements sociaux chez Lip ou Le joint Français.
Portées par un mouvement intellectuel international, les idées de progrès sont associées à une ouverture sur le monde, un rejet de la dictature et du totalitarisme.
Ces courants de pensée se retrouvent bien sur dans la musique. Et ici en Bretagne, on ressent le désir d’exprimer à travers ce prisme une différence qui se nourrit de notre appartenance à une société largement rurale, une langue qui tend à ne plus être transmise, une centralisation dans la culture (politique, économique, sportive etc..) qui nous pose question, Bref même enfant, sans être embrigadé dans un mouvement politique ou un cercle familial engagé, nous cherchons des réponses. Pour un gamin comme moi, à Lannion, c’est la victoire du Stade Rennais en coupe de France 71, le match diffusé dans le préau de la cour de l’école de Pen an Ru pendant la kermesse et la foule massée devant ce petit écran en noir et blanc. L’Olympia 72, les Festou-noz de plus en plus nombreux auxquels on se rend avec les parents le samedi dans les quartiers. Le Cheval d’Orgueil de Per Jakez Hélias, sa rivalité intellectuelle avec Xavier Grall, la fuite en avant du nouveau modèle agricole, l’élevage intensif ou le remembrement tout récent qui se révèle, à l’époque, pour beaucoup de ses partisans, élus locaux etc, une erreur dont nous pouvons aujourd’hui mesurer la dimension environnementale, économique et culturelle, l’âge d’or de la Pêche, tous ces modèles et j’en oublie de plus marquants c’est sur (comme le débat encore brulant à l’époque sur la collaboration et cette fracture toujours douloureuse dans la population locale), vous construisent, font naître chez le gamin que je suis, un sens critique en lien avec son éducation évidemment, mais aussi un sentiment, une vision toute personnelle de son territoire. Est elle romancée? Surement, et en même temps, ce roman va nourrir quand vous aimez écrire, peindre, raconter, jouer, tout un univers que l’on peut pouvoir partager.
La musique, le cinéma, la poésie sont pour l’ado de l’époque de formidables moyens de se forger un caractère, une personnalité, un sens critique, mais aussi bien sur de rêver.
Ce concept vague de « Séduction » me conduit à m’interroger sur la forme. Rock, oui car je suis fan de Blues, Anglais? Français? J’aime le Blues mais aussi la poésie. Je fais les deux, mais lorsque je commence mon parcours dans les cafés concerts du coin, je chante en anglais uniquement. C’est plus simple! direct! En plus je me mets dans l’idée, un peu conditionné par les artistes qui mêlent rock et musique bretonne que l’anglais est une langue mieux adaptée que le français pour traduire justement cette différence que l’on cultive à l’image des groupes Normands, havrais et rouennais, bretons, rennais et brestois, marquer une appartenance à un territoire à l’instar des groupes anglo-saxons dont nous nous inspirons. C’est une sorte d’exorcisme de la variété de l’époque et l’absence quasi totale de groupes et artistes Rock sur le territoire.
Les copains du Havre vont acheter les disques à Londres le week-end, ceux de Lille vont à Bruxelles… Si la scène de la chanson "à texte" française atténue un peu ce sentiment de vide, il faut reconnaître que la majorité des artistes qui nous influencent viennent d’outre manche ou atlantique.
En plus nous sommes encore dans une sorte de croyance d’un lien nous unissant aux pays celtiques. On s’invente une histoire, elle est peut être vraie, mais cette inconnu vous conditionne et vous donne la force d’avancer, de faire!
Parce que c’est peut être ça le plus important c’est faire, construire, démonter, ainsi de suite. Il y a moins de chances de s’ennuyer. Bon on s’isole aussi quand même un peu, mais c’est nécessaire.
Tous ces idéaux portés au coeur finissent par s’essouffler dans le grand cirque du quotidien qui nous rappelle à la réalité des hommes et de la terre. On s’enfuit de mille manières, et c’était déjà surement le cas à l’époque.
Donc pour ce qui concerne The bottle is empty, on est dans Penfleps, on prend de grosses claques à l’interceltique en jouant avec le Kevin Mc Dermott Orchestra ou The Frames. On voit ce qui nous sépare culturellement de leurs univers. Non pas que le notre soit sans intérêt, c’est juste que le vocabulaire n’est pas le même.
On cherche donc à faire un truc Rock basique sur lequel on intègre le thème et la formule rythmique des pas de danses du Plinn, en les mariant à une rythmique binaire à la john Mellecamp, Dave Edmunds ou Joe jackson. Un truc pour le live, énergique et Rock!
Le texte est simpliste, j’essaie de ne pas faire trop de fautes, juste chercher des onomatopées qui se marient au rythme et se placent au bon endroit. Mais il y a de la fraîcheur, enfin j’en ai le sentiment?
C’est donc bien ça… Essayer de comprendre pourquoi je chante encore en anglais. Je prends du plaisir déjà. Ça sonne avec la musique, les syllabes rebondissent, ça m’amuse bien. Pour le sens je sais pas, mais je ressens la même chose avec le français. A quoi destine t’on exactement un texte? Il peut raconter une histoire, mais si on y intègre des éléments autobiographiques le champs de lecture devient plus vaste. On ne détermine pas vraiment une pensée, bien au contraire, il me plait d’introduire la contradiction en réponse à la projection de l’exaltation d’un sens. Elle naît d’une image, de son négatif, elle se révèle dans le grand bain de la musique ou de ses silences. On est toujours un peu dans le vague, mais un mot se traduit à l’instant où on le chante intensément comme face à un public qui vous renvoie le partage. D’où l’intérêt d’une autre langue comme l’anglais, on fait avec la musique et le sens du mot. On prend du plaisir et ça doit être communicatif.
Il nous faudra du temps pour terminer The bottle is empty, on ne parvient pas tout de suite à maitriser le mouvement. Pas si facile. Puis en 1994 on prépare l’album Douleur pendant quelques jours au Coatélan. On fait une belle version de fantômes et puis de celui-ci. On les intègrera au set.
On va le jouer pendant quelques années, on l’enregistre en 2002 à la Tête raide pour la Scène, mais il restera dans les cartons, on ne le mixe pas. Plus tard en 2005 on l’inclut dans Bal à l’ouest,
brut sans mixage pendant l’enregistrement quatre pistes (2 micros public et Sortie de console façade) de toute la tournée d’été 2004.
On l’oublie par la suite, mais, au mois de juin dernier en résidence à la salle Cap Caval, on bosse avec les copains dessus. C’est de suite en place, on se dit que ce serait bien de donner une couleur plus rock à la fin du set. Il fait donc son retour au répertoire. On l’enchaine avec une version de Parliament de l’album Douleur également.
Belles fêtes de fin d’année!