Red Cardell va sortir Courir en Vinyle courant novembre. C’est une première pour le groupe. Lorsque j’ai enregistré mon premier disque en 1989, « Urgence at Koz-Ker » de Penfleps, celui-ci avait été édité en K7 audio uniquement. C’était l'époque où le CD arrivait sur le marché et remplaçait le 33 tours de mon adolescence.
J’ai commencé à jouer de la guitare vers 7 ans, puis je fus très vite attiré par la musique bretonne de Stivell pendant ce que l’on appelle la première vague celtique. Il y avait dans la rue Kérampont à Lannion un marchand de journaux qui vendait des flûtes irlandaises du fabricant Generation. Comme cela se jouait comme le pipeau que nous apprenions à l’école, c’était plutôt simple, et le son était bien plus puissant. J’avais donc deux disques vinyles de musique bretonne pour accompagner cet apprentissage. Le Live à l’Olympia de Stivell et le premier album des Diaouled ar Menez.
Je pistais sur le microsillon chacune des parties, en remettant le saphir au bon endroit pour répéter avec obstination la suite sud armoricaine ou le « Pompidou hag Marcellin Crsed ar fidel », botkol sant nigouden et le Plinn Etienne Riwallan. Il y avait pour moi gamin de 9 ans, un truc que je ressentais pour cette musique, l’environnement, le retour à une culture bretonne assumée autour de moi par les adultes dans le milieu familial où les amis et voisins. Après les années noires du mouvement politique breton de la deuxième guerre mondiale, il y avait eu un rejet de cette culture et en premier lieu de sa langue par toute une génération considérant le français comme celle de l’émancipation. C’était quelque chose de spécial, Stivell vendait 2 millions d’albums, il s’inscrivait dans le mouvement progressiste porté par le rock, mai 68, la vague Hippie, et l’anticolonialisme né de la guerre d’Algérie et surtout de celle en cours au Vietnam. Rennes remportait la coupe de France de Football en 1971 le jour de la kermesse de l’école de Pen An Ru, où un écran de télé avait été disposé dans un préau bondé.
J’allais à l’école au CM2 rue Joseph Morand à pied en passant par le parc, mon instituteur de l’époque voyant mon intérêt pour cette musique décida de me prêter une bombarde. C’était bien plus difficile comme apprentissage, d’autant plus que j’étais tout seul sans compère pour travailler. Question de souffle ! Par la suite en 6eme au collège, ma professeur de musique, après un premier zéro en solfège, m’entendit jouer de la flûte un samedi matin en cours et ne cessa plus de m’encourager par la suite. J’avais dix ans, et je ne m’étais encore jamais acheté un disque. Ceux des Dialouled et de Stivell étaient à mes parents. J’écoutais donc la discothèque familiale. Un disque de Joan Baez « Farewell Angelina » que ma mère écoutait entre deux albums de musique classique, le tourne disques à fond, déjà, les jours de ménage ( ah Nabucco de Verdi sous fond d’aspirateur...), beaucoup de Blues, John Lee Hooker, Lightning Hopkins, Sonny Boy Williamson, Memphis Slim, Big Joe Williams, Brownie Mc gee et Sonny Terry le live at Sugar Hill. Les disques de mes grands frères. Il y avait du rock, les Stones, Led Zep, Johnny Winter…
J’ai attendu mes 11/12 ans pour m’acheter mon premier vinyle. A Locquirec, au magasin de l’électricien du village qui avait un petit rayon 33 et 45 tours. C’était l’album rouge des Beatles. A ce moment là le virus du Rock et du blues s’est traduit par un retour à la guitare et l’achat d’autres albums pendant les années collège, Ten Years After, Pat Travers, Slade, Rory Gallagher, et les Stones toujours…
On avait des électrophones avec un haut parleur intégré. Les plus mélomanes, eux, s’étaient depuis longtemps orientés vers la haute fidélité, la Hifi. On découvrait la qualité du son, la présence de basses dans la musique. La première fois que j’ai entendu de la musique fort, c’était en boite de nuit vers mes 16 ans. Au Courlis à Plestin les Grèves, une boite connue pour sa programmation rock. Je découvrais alors la puissance du son, je voyais les gens danser, et je découvrais moi-même le plaisir de se mouvoir en rythme sur Chrysler rose de Dashiell Hedayat ou le Hocus Pocus de Focus, dernier titre, générique de fin des soirées dans la discothèque.
Alors après, avec les copains, on décide, enfin plutôt eux vu mes compétences de bricoleur, à fabriquer nos propres enceintes avec de l’aggloméré, de la laine de verre de bâtiment, des hauts parleurs… On ne connaissait pas les raves, mais on avait déjà un besoin de « Son ».
La musique c’est quand même un truc bizarre, et quand c’est fort, et je comprends bien que l’on puisse le détester, ça me plaisait. Le it’s all over now de Johnny Winter sur « Captured Live » à fond, effet garanti! D’ailleurs toujours !
Pour traduire cette émotion rien de tel que de se mettre à jouer de la musique, et à fond si possible. Ce que j’essaie tant bien que mal de faire depuis.
Quand le Cd est donc arrivé, le vinyle a commencé à disparaître. Les maisons de disque ont connu une période faste en rééditant tous leurs catalogues. C’était une vraie révolution technologique, et l’on perdait en plus de la qualité du son, qui fera toujours débat entre les deux supports, le visuel de la pochette dont les dimensions imposaient de nouvelles normes. La pochette d’un 33, c’est quand même classe, presque comme un poster ! Ah oui les posters, c’était aussi cette mode.
Par la suite sont apparus l’enregistrement numérique et tout a suivi, jusqu’à aujourd’hui, où le CD est largement supplanté par les nouveaux modes d’écoute, Smartphone, ordi, streaming sur des sites dédiés à la musique, réseaux de partage etc... Une transition technologique et économique, qui demande à nous adapter encore une fois à un mode de diffusion nouveau. C’est fatiguant !
Alors quand on a la chance de pouvoir sortir enfin un vinyle, qui reste quand même en terme de qualité de reproduction du son, la référence, c’est comme une petite madeleine de Proust, une petite éclaircie dans un monde qui fonce à toute vitesse, sans nous donner vraiment de repères. Déjà c’est c’est du plastique, donc pas bon !
Si je dois faire un Top 3 de mes disques vinyles, je vais vous citer le seconds of pleasure de Rockpile, le Remains in light de Talking Heads et le premier album de Dialouled ar menez, ce qui me donne l’occasion de saluer son accordéoniste Jean Yves Le Corre, disparu récemment, avec qui j’ai eu la chance de partager la sortie de plusieurs de nos albums, lorsqu’il dirigeait la division disque de Coop breizh et le label Avel Ouest.
Ce disque a ouvert la voie à tellement de groupes de ma génération et des suivantes, je pense à Ar Re yaouank ou Startijenn entre autres. De l’énergie, de la mélodie avec un son tellement contemporain, pour traduire une musique d’ici, danser sur la mélodie, indiquer sur la note quand le pied doit frapper le sol pour chercher ensemble une sorte de transe, d’instant de partage et de liberté.
A Galonn !