Si nous avons vingt cinq ans aujourd’hui, notre premier concert ayant eu lieu à sainte Marine le 10 juillet 1992, nous n’avons pas vraiment le temps de regarder dans le rétroviseur ! De nos temps, enfin… de tous temps, nous n’avons jamais eu trop le choix.
A chaque fin de tournée, de finalisation de projets ou de créations doit correspondre encore une écriture de nouveaux projets, de créations à finaliser. C’est une sorte de mouvement perpétuel auquel on s’habitue, une sorte de navigation à la pêche, avec quelques croches et le chalut à ramander, des casiers dont le bout s’enroule sur les laminaires et dont on ne retrouve pas la bouée, des filets à bloc de goémon (mais là ça peut pêcher parfois), du clapot de nordé quand on ne tient plus debout à bord, de la grosse houle qui va nous bercer, et du calme choc, quand la mer est « un lac » (avec l’accent !).
Un groupe cela ressemble à un équipage, sauf que cela n’est pas nécessaire d’avoir un patron à bord. En ce moment nous venons de commencer l’écriture du nouvel album.
Après plusieurs disques sur lesquels nous avions travaillé beaucoup individuellement en s’échangeant des fichiers sur nos logiciels respectifs, nous avons senti le besoin de revenir à quelque chose de plus « organique » plus simple et direct. Nous avons repris le chemin des mousses, un instrument et jouer ensemble dans une pièce. Boeuffer (dans le langage) et faire naître des morceaux au gré de nos improvisations.
Nous nous sommes retrouvés à coté de Savenay, avions deux, trois bouts de mélodies, quelques riffs de guitare, lignes de basse ou rythmiques de percussion.
Nous avions envie d’apercevoir depuis la vigie du navire les côtes argentines, africaines ou irlandaises, besoin suite à tous ces concerts de plus en plus Rock depuis un an de nous égarer sur les docks de Liverpool ou du Havre, réécouter Rouge et Douleur, dont nous jouons beaucoup de titres, retrouver un coin de fraicheur.
Alors on se parle, on s’observe, on cherche, puis on se met d’accord. Pour pêcher le homard c’est pas mal de placer ses casiers sur une plage de sable de quelques mètres carrés aperçue depuis la surface par une eau bien claire. Les grandes marées sont parfaites pour ça ! Après on prend des marques, des amers. Un poteau électrique sur l’entrée du chemin du camping, le clocher de Plougasnou sur le phare des Triagoz. Là cela ressemble bien à la musique, en fin de compte on cherche une manière de faire sonner l’histoire ensemble, tout en se trouvant des repères un peu vagues.
Il y a de belles choses, des reflets glaz émeraude quand les vagues viennent caresser la Roche large. Un rayon de soleil, la lumière qui se trouve une fuite entre deux gros nuages et éclaire le château de l’île Verte vers 5h du soir à la mi-novembre. Et la baie de Lannion en Technicolor…
Ne plus jouer qu’un seul accord parfois, hypnotique comme le rythme du moteur qui balance le temps en 2 ou 4 temps et aussi 5 et puis 7. Ou bien lire Mac Orlan, écouter la chanson du branle bas de la galère, la mer en son tourment de Molène à Ouessant quand souffle le vent.
Je commence aujourd’hui l’écriture des textes de chansons et vais proposer bientôt plusieurs mélodies de chant aux copains, on se revoit après tous ensemble dans une pièce avec les instruments. Nous appliquons cette méthode, puis allons en studio, et là, nous jouerons en live. Chercher à capter le souffle de la scène, l’énergie et le son du groupe. Après on jouera avec « La bande », on en fera comme une photographie du moment présent en se disant à la dernière seconde du dernier jour de mixage, vivement le prochain, de toute façon pas le choix !
Ecouter le son de la bouée vache à la sortie de port de Locquémeau depuis la dune des sables blancs une nuit de brume, comme dans une nouvelle d’Anatole Le Braz.
Faire sonner les cloches ?
Faire sonner Red Cardell, c’est peut-être se prendre un peu trop au sérieux, voire prétentieux donc essayons juste de prendre et de partager le plaisir de continuer à rêver.
C’est bien de rêver. Non ?