Brieg Guerveno joue mercredi au festival de Cornouaille sur la scène de l’évéché. Au mois de mars dernier, il m’a contacté afin de venir travailler sur une résidence à Collinée au centre culturel mosaique. Soutenu par Itinéraires Bis, la salle est mise à disposition du groupe pour 4 jours, afin de mettre en place une set list, produire artistiquement la musique, faire un point technique pour trouver la meilleure manière d’appréhender la scène. Mon rôle est d’avoir un regard extérieur, et de partager un point de vue avec les musiciens sur tous ces thèmes. J’avais déjà en 2012 participé avec Startijenn au projet El Taqa à La Carène. Le mélange Orient - Bretagne m’était plus familier, vu mon expérience au sein de Penfleps au début des années 90. La musique de Brieg, Joachim et Xavier baigne dans des influences Rock progressif et métal. Si je connais moins ce dernier genre, j’ai quand même écouté pas mal de choses, elle est conçue autour d’une rigueur bien particulière où se mêlent énergie et mise en place. Pour le Rock progressif, cela est différent. Comme il s’inspire de nombreux mouvements musicaux liés au rock psychédélique des années 60, joués par des groupes de blues à l’origine (Yardbirds, Jefferson airplane, Beach boys, Allman Brothers…), je maitrise un peu mieux ce domaine. Le genre brasse tout aussi bien des ambiances acoustiques que très synthétiques. Entre folk song et son du Moog, on remarque que la virtuosité musicale est assez centrale au phénomène. Elle correspond à l’époque au besoin ressenti par des musiciens d’une génération de rejoindre par l’urgence des instruments « Rock », l’univers des Jazzmen comme Coltrane et Davis, et même au delà, la musique contemporaine initiée par Stravinsky.
La musique de Brieg s’inscrit dans ce courant. Passionné de longue date par des groupes comme Porcupine Tree, il essaie de répondre musicalement à ses envies, et crée un univers très personnel où se mêlent toutes ses influences. La formule Basse guitare batterie est l’essence même du rock. Elle traduit l’urgence bien sûr, mais épouse également un spectre sonore très large. Les trois musiciens font donc un travail important sur les voix. Cela donne parfois des harmonies très riches, dans le style initié par Buffalo Springfield ou le Dead, et plus récemment par Archive. Lorsque j’assistais aux filages, j’avais vraiment la confirmation que trois voix bien placées avaient plus de force qu’une nappe de synthétiseur. Qu’importe la langue utilisée d’ailleurs. Notre standard reste souvent l’anglais dans les musiques Rock, je ne suis pas convaincu, et Brieg en utilisant le breton confirme que le placement de la voix est le plus important. On oublie l’origine, il ne cherche pas à insister sur cet aspect de la chose, considérant très justement que cela n’a que peu d’importance. L’essentiel résidant dans l’ensemble de la musique. C’est je trouve une manière très originale et sincère de ne pas vouloir se placer dans un genre, de se retrouver étiqueter chanteur breton. Je connais bien ce problème que l’on peut rencontrer, il vient de très loin. On ne peut pas lutter, puis on s’en fout. En témoigne d’ailleurs l’excellent accueil que reçoit son album dans le circuit du Rock progressif.
C’est intéressant de voir justement que ce réseau existe et surtout au niveau international. En France ce genre musical a toujours été un peu raillé et reste très méconnu. Je pense souvent aux Grateful Dead ignorés chez nous. Ils ont une très grande aura à l’étranger, et initié le mouvement Jam Band, dont je vous ai déjà parlé sur ce blog et dont Phish est aujourd’hui un pilier.
A titre personnel j’ai toujours du mal à être critique sur une musique, j’y trouve toujours quelque chose à prendre. Le Rock est une musique populaire par essence au même titre que celle de Bartok ou de Ravi Shankar. Si l’on mesure souvent le degré de sincérité des groupes, les Stones restent quand même pour moi un fantastique groupe de Blues.
Travailler ainsi sur une résidence m’oblige à m’interroger également sur le chemin parcouru en tant que musicien du coin qui essaie de mener au bout son projet. Je retrouve énormément de sensations vécues, tant dans les discussions que nous avons pu avoir, que dans les gestes, les regards, la fatigue au bout de 3 filages, jusqu’au odeurs d’une salle vide où l’on répète au petit matin. Le fonctionnement d’un groupe, quel qu’il soit obéit au fil du temps à de règles non écrites, remises en permanence en cause par le quotidien. Le long terme est une notion assez vague et pourtant essentielle dans le « bien vivre » une expérience. Quel type d’organisation choisir, comment trouver la méthode pour mener à bien l’aventure. Le choix de l’indépendance est souvent imposé pour se faire connaître, mais il offre l’avantage d’apprendre énormément et de comprendre les rouages d’une profession. C’est un problème de structure, d’organisation juridique, d’édition, de régie. L’individu reste lui, confronté à ses propres choix, les non-dits sont à percevoir, il faut anticiper l’avis de l’autre, c’est toute une gymnastique à laquelle nous devons nous habituer. Nous sommes sans cesse confrontés au doute. Progresser dans l’aspect professionnel de la fonction de musicien est une manière de mieux supporter le grand Bazar mais ne répond pas à toutes les questions. L’essentiel réside toujours dans ce que l’on a à dire, la réponse vient du public dans un gros festival en plein air ou l’arrière salle d’un p’tit café. De nombreuses dates du Trio sont en cours. Allez les voir !
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